LES P'TITES HISTOIRES
Pour les Petits et Grands N'enfants ...

CYRANO DE BERGERAC - LA TIRADE DU NEZ par Edmond Rostand


TOUT A COMMENCÉ COMME CELA...
Alors qu'il assiste à une pièce de théâtre, Cyrano de Bergerac interrompt la pièce qu'il est en train de voir pour s'en prendre à l'acteur Montfleury qu'il juge trop mauvais. Cyrano, provocateur, se met à dos tout le public et notamment Valvert, un rival de Cyrano. Valvert tente de ridiculiser maladroitement Cyrano, se moquant de son nez, en lui disant : "Vous… vous avez un nez… heu… un nez… très grand...". Cyrano, qui est fier de son appendice est piqué au vif. Il réplique alors cette fameuse tirade qui sublime et répare ce nez dévalué...

Ah Non !... C'est un peu court, jeune homme !... On pouvait dire... Oh ! Dieu !... Bien des choses en somme...
En variant le ton par exemple, tenez :
Agressif : « Moi, Monsieur, si j'avais un tel nez, il faudrait sur le champ que je me l'amputasse ! »
Amical : « Mais il doit tremper dans votre tasse : pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
Descriptif : « C'est un roc !... C'est un pic...! C'est un cap !... Que dis-je, c'est un cap, c'est une péninsule ! »
Curieux : « de quoi sert cette oblongue capsule ?... D'écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ? »
Gracieux : « Aimez-vous à ce point les oiseaux que paternellement vous vous préoccupâtes de tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? »
Truculent : « Ça, monsieur, lorsque vous pétunez, la vapeur du tabac vous sort-elle du nez sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée ? »
Prévenant : « Gardez-vous, votre tête entraînée par ce poids, de tomber en avant sur le sol ! »
Tendre : « Faites-lui faire un petit parasol de peur que sa couleur au soleil ne se fane ! »
Pédant : « L'animal seul, monsieur, qu'Aristophane appelle hippocampelephantocamélos dût avoir sous le front tant de chair sur tant d'os ! »
Cavalier : « Quoi, l'ami, ce croc est à la mode. Pour pendre son chapeau c'est vraiment très commode ! »
Emphatique : « Aucun vent ne peut, nez magistral, T'enrhumer tout entier, excepté le mistral ! »
Dramatique : « C'est la Mer Rouge quand il saigne ! »
Admiratif : « Pour un parfumeur, quelle enseigne ! »
Lyrique : « Est-ce une conque, êtes-vous un triton ? »
Naïf : « Ce monument, quand le visite-t-on ? »
Respectueux : « Souffrez, Monsieur, qu'on vous salue, c'est là ce qui s'appelle avoir pignon sur rue ! »
Campagnard : « Hé, ardé !... C'est-y un nez ?... Nanain !... C'est queuqu'navet géant ou ben queuqu'melon nain ! »
Militaire : « Pointez contre cavalerie ! »
Pratique : « Voulez-vous le mettre en loterie ?... Assurément, monsieur, ce sera le gros lot ! »
Enfin, parodiant Pyrame en un sanglot : « Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître a détruit l'harmonie !... Il en rougit, le traître ! »

  Voilà ce qu'à peu près, mon cher, vous m'auriez dit si vous aviez un peu de lettres et d'esprit. Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres, Vous n'en eûtes jamais un atome, et de lettres vous n'avez que les trois qui forment le mot : sot !
Eussiez-vous eu, d'ailleurs, l'invention qu'il faut pour pouvoir là, devant ces nobles galeries, me servir toutes ces folles plaisanteries, que vous n'en eussiez pas articulé le quart de la moitié du commencement d'une, car je me les sers moi-même, avec assez de verve, mais je ne permets pas qu'un autre me les serve.



  À l'issue de la tirade, Valvert ne parvient à répondre que par de piètres insultes, le traitant de « Maraud, faquin, butor de pied plat ridicule » puis de « bouffon » et enfin de « poète » ; un duel à l'épée s'ensuit, au cours duquel Cyrano improvise une ballade qu'il conclut par un envoi tout en blessant son adversaire avec son épée, mettant ainsi fin au duel et achevant de ridiculiser son provocateur.


Ce que n'imaginait pas Edmond, c'est qu'un jour, Bébert le carrier s'inspirerait de son fameux monologue pour corriger l'apprenti qui oserait mettre en doute la qualité du bloc qu'il vient d'extraire de sa carrière...

AINSI :

- " Ah ! Non ! C'est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire... Oh ! Pierreux ! ... Bien des choses en somme... En variant le ton. Par exemple, tenez " :

Agressif : « Moi, Monsieur, si je tirais un tel bloc, il faudrait sur le champ que je l'explosasse ! »
Amical : « Mais il doit peser une sacrée masse : pour l'avoir, faites-vous aider pour qu'il ne vous échappasse ! »
Descriptif : « C'est un bloc ! ... C'est un roc... C'est un monticule ! Que dis-je, c'est un monticule... C'est une montagne ! »
Curieux : « à quoi peut servir une si longue envergure ?... De colonne vendôme, monsieur, ou d'obélisque ? »
Gracieux : « Aimez-vous à ce point les pierreux que paternellement vous vous préoccupâtes d'entrevoir tout ce qui les épate ? »
Truculent : « Ça, monsieur, lorsque vous exploitez, la masse des abats vous donne-t-elle assez sans qu'un client ne crie, vite, faites-moi un temple maya ? »
Prévenant : « Gardez-vous, votre engin alourdi par ce poids, de frotter la jante sur les gravois ! »
Tendre : « Faites-lui faire un petite couverture de peur que sa matière au froid ne craigne la fêlure ! »
Cavalier : « Quoi, l'ami, ce bloc est à la mode. Pour tailler son portail c'est vraiment très commode ! »
Emphatique : « Aucun gel ne peut, roc minéral, t'éclater tout entier, excepté le froid sidéral ! »
Dramatique : « C'est un séisme quand il bouge ! »
Admiratif : « Pour un tailleur, quelle aubaine ! »
Naïf : « Quel monument !... par ou entre-t-on ? »
Respectueux : « Souffrez, Monsieur, qu'on vous salue, c'est là ce qui s'appelle avoir extrait un bahut ! »
Campagnard : « Hé, ardé !... C'est-y un caillou ?... Nanain !... C'est queuqu'galet géant ou ben queuqu'mont nain ! »
Pratique : « Voulez-vous le mettre sous la scie ?... Assurément, monsieur, il faudra élargir le bâti ! »
Enfin parodiant Van Damme entre deux rots : « Le voilà donc ce bloc qui tiré de mains expertes des pierreux a changé la vie !... Il en ferait courir le mètre ! »
  " Voilà ce qu'à peu près, mon cher apprenti, vous m'auriez dit si vous aviez un peu de métier et de vie. Mais de vie, ô le plus ramolo des êtres, Vous en eûtes autant qu'une andouillette, et de métier vous n'en n'avez que trois mois qui donnent en un mot : que d'peau ! "
" Eussiez-vous eu, d'ailleurs, l'invention qu'il faut pour savoir là, devant ce noble pavé, me servir toutes ces folles flatteries, que vous n'en eussiez pas articulé le quart de la moitié du commencement d'une, car je me les sers moi-même, avec assez de verve, puisqu'aucun autre ne le fait... Et ça m'énerve... "






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